Perelman, Chaïm (baron) - Varsovie (Pologne), 20.5.1912-Uccle (Belgique), 22.1.1984. Époux de Fajga dite Fela Liwer. Philosophe et responsable communautaire.

Jeunesse et formation

Fela and Chaïm Perelman papers (2006.432), United States Holocaust Memorial Museum, Washington, DC, USA. Chaïm Perelman est issu d'une famille de bourgeois aisés et cultivés : sa mère provenait d'un milieu de Juifs hassidiques ; son père est né à Varsovie d'une famille de maskilim, héritiers de la Haskalah, les Lumières juives. Après avoir tâté de plusieurs commerces, son père devint négociant en diamants. Les contacts qu'il avait en Belgique l'incitèrent à choisir Anvers (Belgique) comme destination. Les Perelman s'y établirent en 1925, quelques jours après que Chaïm ait accompli sa bar mitzvah à la synagogue de Varsovie. Chaïm était l'aîné, suivi de sa sœur Ghana Sozia (Sophie), de Dora et de Joseph David. Chaïm, qui avait suivi l'enseignement polonais du gymnase juif Haschola à Varsovie, poursuivra ses études secondaires à l'Athénée royal d'Anvers puis au jury central. C'est ainsi qu'il entra à l'Université à l'âge de seize ans.
 
Étudiant à l'Université libre de Bruxelles (Belgique) (ULB), il milita à l'Association des Étudiants juifs et mena de front des études de philosophie, qu'il acheva en 1933, et de droit. Frappé par ses dons exceptionnels, Marcel Barzin l'associa à ses travaux et à son enseignement dès avant la fin de ses études, avant de lui obtenir un mandat d'aspirant au Fonds national de la Recherche scientifique. Ce qui permettra à Perelman de rédiger sa thèse de doctorat, entre 1935 et 1938. Premier prix du Concours universitaire en 1936, Perelman obtint une bourse de la Fondation universitaire et choisit de séjourner une année à l'Université de Varsovie, réputée pour son école de logique. C'est durant cette année académique qu'il se lia au grand logicien polonais Kotarbinski, une amitié qui ne se démentira pas par la suite.
 
Revenu à Bruxelles, Perelman gravit rapidement les échelons de la carrière universitaire. Après avoir défendu sa thèse de doctorat en philosophie, qui portait sur le logicien Gottlob Frege, il devint assistant en 1938, puis chargé de cours l'année suivante. Il dispensa, tout en étant mobilisé par l'armée belge, le cours d'encyclopédie de la philosophie et les répétitions en néerlandais du cours de philosophie morale. Perelman sera ainsi le premier à enseigner la philosophie en néerlandais à l'ULB. Le jeune Chaïm Perelman était alors aussi résolument sioniste. C'est à la même époque que Léon Kubowitzki créa à Bruxelles la représentation du Congrès juif mondial: le Conseil des Associations juives de Bruxelles, où l'une de ses assistantes n'était autre que Fela Perelman. Soucieux de défendre les idées du Congrès juif, il créa un organe, la Tribune Juive, dans lequel Chaïm Perelman plaida, en ces temps difficiles, en faveur de la dignité juive. Deux problèmes émergeaient de ces premiers articles qu'il consacrait à la question juive : l'antisémitisme et l'assimilation.
 
Fonds Chaïm Perelman, Archives de l'Université libre de Bruxelles, BE.ULB-ARCH/89PP 13.
Page du carnet Frege de Chaïm Perelman [s.d.].
Fonds Chaïm Perelman, Archives de l'Université libre de Bruxelles, BE.ULB-ARCH/89PP 13.

Source : Schreiber Jean-Philippe, « Perelman, Chaïm (baron) », ds. : Dictionnaire biographique des juifs de Belgique : Figures du judaïsme belge XIXe – XXe siècle, Bruxelles, De Boeck et Larcier s.a., 2002, p. 271-272.

La guerre 1940-1945

Chaïm Perelman avait acquis la nationalité belge en 1936. Il fut mobilisé lors des alertes de 1938 et 1939 et, au moment de l'invasion de la Belgique, il prit part comme soldat à la campagne des dix-huit jours. Le 28 octobre 1940, une ordonnance de l'occupant allemand visa les professions et carrières publiques désormais interdites aux Juifs: fonctionnaires, avocats, enseignants, journalistes... Interdit d'enseignement, Perelman suspendit son activité à l'Université - car on ne peut, à proprement parler, dire qu'il s'agit d'une démission.

D'autres professeurs de l'Université libre de Bruxelles furent victimes, comme lui, des ordonnances allemandes, que ce fût comme Juifs ou comme ennemis de l'Allemagne. Un certain nombre d'entre eux se réuniront tout au long de la guerre, dans ce qui fut nommé le Salon des refusés. Perelman s'y lia avec Oscar Weill, qui jouera plus tard un rôle éminent aux Amis belges de l'Université hébraïque de Jérusalem, Jean Lameere, lequel mit sa maison à la disposition des Perelman, tandis que son épouse Nelly renforçait le Comité des Marraines créé par Fela Perelman pour le placement des enfants juifs, et Henri Janne surtout. Les échanges avec Henri Janne furent fructueux et de ces réflexions communes naîtront deux ouvrages au lendemain de la Libération: L'Antialcibiade ou la Révolution des Faits pour l'un; De la Justice (Bruxelles, 1945) pour l'autre.
 
Fela and Chaïm Perelman papers (2006.432), United States Holocaust Memorial Museum, Washington, DC, USA.
Carte de résistant civil de Chaïm Perelman (1952),
Fela and Chaïm Perelman papers (2006.432), United States Holocaust Memorial Museum, Washington, DC, USA.

 
En novembre 1941, l'occupant créa l'Association des Juifs en Belgique (AJB). Divers responsables communautaires y furent nommés d'office, dont le grand-rabbin Salomon Ullmann. C'est ce dernier qui proposa à Perelman, en janvier 1942, d'intégrer le comité bruxellois de l'AJB. Prudent, il s'en tint à un rôle d'expert auprès des directeurs de l'institution : il s'occupa, au titre de conseiller technique, de la question de l'enseignement. Et il ne fit véritablement partie de l'AJB comme responsable à part entière qu'en novembre 1942, à l'instigation de la Résistance juive: il sera effectivement nommé membre de l'AJB le 2 décembre, proposé comme responsable de la section enseignement. Perelman prit en réalité à l'AJB la succession d'Eugène Hellendael, arrêté le 24 septembre. Il y fut chargé des mêmes responsabilités que dans l'activité clandestine, c'est-à-dire de l'aide aux adultes et du service social ; il prendra en fait la direction de ce service après l'arrestation de Maurice Heiber, qui survint en mai 1943. Hertz Jospa, qui avait eu en charge la section juive de la Main-d’œuvre immigrée du Parti communiste avant la guerre, était convaincu qu'il était nécessaire de créer des formes de défense propres aux Juifs, en raison de la persécution particulière qui les frappait. Ce n'est qu'en juin 1942 que Jospa obtint le feu vert du Front de l'Indépendance pour constituer une organisation de défense spécifique aux Juifs.
 
Fela and Chaïm Perelman papers (2006.432), United States Holocaust Memorial Museum, Washington, DC, USA. La réunion constitutive du Comité de Défense des Juifs (CDJ) se déroula au domicile de Perelman, rue de la Pêcherie, à Uccle. L'initiative de la création du CDJ ne lui revient cependant pas, mais il en fut, sinon l'artisan, du moins l'âme et la cheville ouvrière avec Jospa, depuis l'été 1942 jusqu'à la Libération et même au-delà, lorsque le CDJ se mua en Aide aux Israélites Victimes de la Guerre (AIVG). Avec la Libération du territoire, Chaïm Perelman se consacra entièrement à l'œuvre de l'AIVG, jusqu'à la reprise des cours à l'Université, en janvier 1945 ; il rendra encore hommage à ceux qui avaient assisté les Juifs durant la guerre dans le périodique dont il assuma la rédaction, Ofipresse, mais démissionna de l'AIVG en novembre 1945.

Photographie : Chaïm Perelman au Comité de Défense des Juifs [s.d.]. Fela and Chaïm Perelman papers (2006.432), United States Holocaust Memorial Museum, Washington, DC, USA.

Source : Schreiber Jean-Philippe, « Perelman, Chaïm (baron) », ds. : Dictionnaire biographique des juifs de Belgique : Figures du judaïsme belge XIXe – XXe siècle, Bruxelles, De Boeck et Larcier s.a., 2002, p. 272-273.

L'engagement de Perelman en faveur du judaïsme et d'Israël

Pour venir en aide à son épouse, engagée alors dans la mise sur pied d'un réseau d'immigration clandestine vers la Palestine, Chaïm Perelman créa la Jewish Refugees Welfare Society, association tout à fait légale, au nom de laquelle Fela Perelman agissait, elle, illégalement. Par leur entremise, des milliers de rescapés des camps de la mort purent ainsi trouver le moyen de rejoindre ceux qui œuvraient à la création d'un État juif. Avec le vote du 29 novembre 1947 à l'ONU sur le partage de la Palestine, l'urgence se fit sentir de créer un organisme qui serait à la fois un puissant appui pour l'Agence juive, afin de gagner des voix à la cause sioniste en Belgique, ainsi que le ferment des relations culturelles entre le nouvel État juif et la Belgique, particulièrement à travers le monde scientifique. C'est pourquoi Chaïm Perelman prit l'initiative de fonder, avec l'aide de quelques amis, l'œuvre des Amis belges de l'Université hébraïque de Jérusalem, dont il fut le premier secrétaire-général.  
C'est au printemps 1955 que Chaïm Perelman fonda cette fois l'association Menorah, qu'il présidera jusqu'à sa dissolution. La création de cet organisme, qui sera particulièrement actif à Bruxelles à la fin des années cinquante et au début des années soixante, publiant notamment un périodique de qualité, en organisant nombre d'activités et de conférences centrées sur l'éducation et la culture juives, correspondait bien à l'état de l'identité politique et culturelle juive de Perelman à cette époque. La création de l'État d'Israël avait modifié l'essence même de son adhésion sioniste.

 - Illustration : Page de la revue Menorah (1964). Fonds Chaïm Perelman, Archives de l'Université libre de Bruxelles, BE.ULB-ARCH/89PP 30.2.

Refusant l'appartenance à un parti sioniste en diaspora, Perelman se battait dorénavant pour Israël : il s'engagea résolument aux côtés du jeune État juif mais refusa l'allégeance ambiguë du sionisme politique militant. C'est ce qui l'amena à accepter en 1959 la présidence de la Magbit (Keren Hayessod) et la vice-présidence des Amitiés belgo-israéliennes qui venaient d'être fondées. Cette position, Perelman la partageait avec celui qui était alors secrétaire de Menorah, le jeune et brillant politologue de l'Université de Bruxelles qu'était Marcel Liebman.
 
Le rayonnement, le prestige de Chaïm Perelman étaient à cette époque très grands, tant à l'extérieur de la communauté juive, comme logicien de réputation internationale, qu'à l'intérieur de celle-ci, où son autorité morale était incontestable.

Référence : Schreiber Jean-Philippe, « Perelman, Chaïm (baron) », ds. : Dictionnaire biographique des juifs de Belgique : Figures du judaïsme belge XIXe – XXe siècle, Bruxelles, De Boeck et Larcier s.a., 2002, p. 273.

Mariage

Fela and Chaïm Perelman papers (2006.432), United States Holocaust Memorial Museum, Washington, DC, USA. Son épouse Fajga Estera dite Félicie ou Fela LIWER-PERELMAN [Bedzin (Pologne), 20.7.1909-Salt Lake City (Etats-Unis), 17.9.1991], avec laquelle il se maria en 1935, fut une brillante étudiante d'origine polonaise elle aussi, historienne, auteur d'une thèse de doctorat sur la Révolution belge et la Pologne en 1830 (Bruxelles, 1948) que l'Office de Publicité publiera en 1948
 
Fela Perelman était aussi licenciée en psycho-pédagogie, une qualité qu'elle mettra à profit durant la guerre, lorsqu'elle s'occupera des écoles gardiennes où seront accueillis les enfants juifs exclus des écoles publiques en raison des ordonnances allemandes.

Fela Perelman était née dans une grande famille juive de Lodz (Pologne). Instruite dans un gymnase hébraïque où elle parfait sa connaissance du judaïsme et de la langue de Moïse, elle vint s'inscrire, à l’âge de dix-neuf ans, à l’Université libre de Bruxelles, où elle entama des études d'histoire. Études brillantes, mais trop formelles pour elle, qui ne rêvait que d'action.
 
Historienne, elle manifestera toujours un intérêt très vif pour le passé et le présent du peuple juif.
 
Fela and Chaïm Perelman papers (2006.432), United States Holocaust Memorial Museum, Washington, DC, USA. Pédagogue, elle fera figurer au premier rang de ses préoccupations l'éducation, que ce soit dans les écoles qu'elle créa durant l'occupation ou dans son engagement en faveur de l'Université hébraïque de Jérusalem, à partir de 1946.
 
Son attachement fervent au judaïsme prit d'abord la forme d'un engagement résolu pour le sionisme qu'elle défendit au sein de l'Association des Étudiants juifs de l'ULB où elle fit partie du comité exécutif. Son sionisme rimait avec socialisme, un idéal auquel elle restera fidèle toute la vie, marquant toujours son aversion pour le communisme et le stalinisme. C'est en toute logique qu'à la fin de ses études, elle s'engagea aux côtés de Léon Kubowitzki au secrétariat général du Conseil des Associations juives de Bruxelles.

Au début de l'occupation, après son retour d'exode, elle s'occupa des colis pour les détenus de Breendonk (Belgique). C'est dans sa maison d'Uccle, acquise en 1940, que fut fondé le Comité de Défense des Juifs, à l'été 1942. C'est au CDJ que Fela confia à la fin de la même année les enfants qu'elle avait rassemblés dans les écoles Nos Petits- ouvertes au printemps 1942 pour rencontrer les exigences du quotidien -, puis cachés après que les rafles et les déportations se furent abattues sur la communauté juive de Belgique. Elle fut également durant l'occupation, à la demande d'Abusz Werber, la présidente du Secours mutuel juif, la principale émanation du Linke Poalei Zion. Dès le lendemain des hostilités, Fela Perelman s'employa à offrir un foyer et un avenir aux centaines d'orphelins de la guerre, entre autres dans le cadre de l'Alyat Hanoar. C'est au 32 de la rue de la Pêcherie aussi que prit corps le projet de créer la Jewish Refugees Welfare Society, association écran qui masquait en partie les activités de l'alya bet en Belgique.

Fela Perelman fut à Bruxelles la cheville ouvrière de l'immigration clandestine vers la Palestine durant les années 1946-1948. Elle constituait en quelque sorte le représentant officieux de la Haganah, l'armée juive de Palestine, en Belgique. Grâce aux contacts qu'elle s'était ménagés durant les hostilités et l'immédiat après-guerre, Fela Perelman organisa le départ de deux bateaux chargés d'immigrants juifs vers la Palestine, dont les portes étaient encore fermées par la puissance mandataire : le Hachayal Haïvri, parti d'Anvers le 14 juillet 1947, et le Tel Chai, parti de Sète. Un troisième bateau, le Theodor Herzl, parti de Sète également, chargé de plus de deux mille passagers, fut en partie rempli des personnes déplacées que Fela emmena de Belgique au lieu d'embarquement. Sa maison de la rue de la Pêcherie devint en quelque sorte l'ambassade officieuse d'Israël au lendemain de la guerre. Et même si elle ne remplit évidemment plus ce rôle avec la création de l'État d'Israël, elle demeura un point de passage obligé pour les diplomates, les hommes politiques, les intellectuels et les artistes israéliens qui séjournaient en Belgique. C'est en grande partie à l'énergie déployée par Fela Perelman que l'association des Amis belges de l'Université hébraïque de Jérusalem, dont elle fut longtemps la secrétaire générale, doit d'être demeurée de longues années durant le relais privilégié des relations entre la Belgique et Israël.
Fonds Chaïm Perelman, Archives de l'Université libre de Bruxelles, BE.ULB-ARCH/89PP 29.1
Lettre concernant les activités de l'école Nos Petits (juillet 1942).
Fonds Chaïm Perelman, Archives de l'Université libre de Bruxelles, BE.ULB-ARCH/89PP 29.1

En juin 1967, l'élan de solidarité autour de l'État d'Israël, que l'on pensait tout d'abord gravement menacé par l'attaque des pays arabes, fut immense, et ce dans toutes les communautés juives. Les besoins d'Israël étaient alors énormes. Le Keren Hayessod - la Magbit -, l'organisme qui récoltait des fonds en faveur d'Israël, ne correspondait plus aux nécessités de l'heure. L'urgence fit naître Solidarité avec Israël, sous l'impulsion de Fela Perelman et Léon Maiersdorf. Face au danger, les clivages politiques s'estompaient. L'heure était à l'unité pour la survie d'Israël. Et en termes financiers, le résultat dépassa les espérances. Nombre de membres de la communauté juive abandonnèrent une partie de leur salaire, en juin 1967, en faveur d'Israël, et les capacités de persuasion de Fela Perelman n'y furent pas toujours pour rien.
 
Fela Perelman fut aussi un écrivain de talent, comme elle le démontra dans Le ventre de la baleine (Bruxelles, 1947): elle maniait une plume ironique, parfois acerbe, mais toujours pleine de verve. Sans doute eût-elle persévéré dans cette carrière si la panique de l'exode de mai 1940 n'avait entraîné la perte d'un manuscrit qu'elle apportait à Charles Plisnier, à Paris (France). Désespérée, elle cherchera pendant des années à retrouver le texte de ce premier roman, qui disparut à jamais dans la tourmente, emportant avec lui l'espoir d'une carrière littéraire prometteuse.
Fela and Chaïm Perelman papers (2006.432), United States Holocaust Memorial Museum, Washington, DC, USA.
Fela et Chaïm Perelman [s.d.].
Fela and Chaïm Perelman papers (2006.432), United States Holocaust Memorial Museum, Washington, DC, USA
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Référence : Schreiber Jean-Philippe, « Perelman, Chaïm (baron) », ds. : Dictionnaire biographique des juifs de Belgique : Figures du judaïsme belge XIXe – XXe siècle, Bruxelles, De Boeck et Larcier s.a., 2002, p. 274-275.

La carrière de Perelman à l'Université libre de Bruxelles

Professeur ordinaire à l'Université libre de Bruxelles depuis 1944, Perelman dirigeait le séminaire de philosophie depuis 1946, ainsi que le Centre national de Recherche de Logique. Il présida aussi la Société belge de Philosophie de 1955 à 1958 et la Faculté de Philosophie et Lettres de l'ULB de 1959 à 1962. C'est cependant en 1962 que la distinction scientifique suprême de la Belgique vint récompenser son inlassable activité de chercheur: la Fondation Francqui lui conféra, pour l'ensemble de ses travaux, le Prix Francqui, attribué pour la première fois à un philosophe. En 1958, Perelman avait en effet publié son œuvre majeure, le Traité de l'argumentation (Paris, 1958), qui sera traduit dans de nombreuses langues. Ce livre fut à l'origine d'un courant de pensée, la Nouvelle Rhétorique, qui aura une influence déterminante sur nombre de spécialistes des sciences humaines.
 
Coupures de presse. Fonds Chaïm Perelman, Archives de l'Université libre de Bruxelles, BE.ULB-ARCH/89PP 33.2.
Attribution du Prix Francqui 1962 à Chaïm Perelman.
Coupures de presse. Fonds Chaïm Perelman, Archives de l'Université libre de Bruxelles, BE.ULB-ARCH/89PP 33.2.

En 1977, Perelman publiera encore son Empire rhétorique (Paris, 1977), qui rassemble sa théorie de l'argumentation. En 1948 déjà, il avait fondé et présidé la Société belge de Logique et de Philosophie des Sciences. Il fut vice-président du comité des experts de l'UNESCO pour l'étude de la notion de démocratie (1951), secrétaire général de la Fédération internationale des Sociétés de Philosophie (1953) et présida l'Ecole des Sciences de l'Éducation de l'ULB (1953-1956). Co-directeur de la revue Logique et Analyse, Perelman fut membre du comité de rédaction de plusieurs revues scientifiques internationales et participa à l'organisation de nombreux congrès de philosophie dans le monde. Il dirigea l'Institut de Philosophie de l'ULB (1964-1967) et enseigna à l'Université libre de Bruxelles  jusqu'à sa retraite, en 1978. Dès 1962, il avait également enseigné dans diverses universités européennes et américaines la logique, la métaphysique et la philosophie morale.

Docteur honoris causa des Universités de Florence (Italie), Jérusalem (Israël) et Montréal (Canada), Chaïm Perelman fut membre de l'Académie royale de Belgique (1973), de l'Académie des Sciences de Heidelberg (Allemagne), de l'Académie nationale italienne et de l'Académie des Sciences de Bologne (Italie), ainsi que correspondant de l'Académie des Sciences morales et politiques de l'Institut de France. Liant enfin sa vocation académique et son intérêt pour l'éducation juive et les sciences du judaïsme, Chaïm Perelman accepta également d'assurer la présidence du Conseil scientifique de l'Institut universitaire d'Etudes du Judaïsme Martin Buber en 1972- il faisait déjà partie du conseil Scientifique du Centre national des Hautes-Etudes juives depuis 1961. Il fut président du Comité d'Action pour Israël et président honoraire du Centre d'Information et de Documentation du Moyen-Orient. Chaïm Perelman fut anobli par le roi Baudouin quelques semaines avant son décès.
 Photos Archives, United States Holocaust Memorial Museum, courtesy of Fela and Chaim Perelman Noemi Mattis, Photograph: #51901,
Chaïm Perelman à son bureau [s.d.],
Photos Archives, United States Holocaust Memorial Museum, courtesy of Fela and Chaim Perelman Noemi Mattis, Photograph: #51901

 
Référence : Schreiber Jean-Philippe, « Perelman, Chaïm (baron) », ds. : Dictionnaire biographique des juifs de Belgique : Figures du judaïsme belge XIXe – XXe siècle, Bruxelles, De Boeck et Larcier s.a., 2002, p. 273-274.

Hommages posthumes à Chaïm Perelman


Une séance d'hommage fut tenue en son honneur à l'Académie royale le 8 février 1984, quelques jours après son décès. 

En octobre 1991, fut organisé pendant trois jours à l'Université libre de Bruxelles, un grand congrès international consacré à l'influence de la pensée de Perelman sur la philosophie et les sciences humaines, auquel participèrent les meilleurs spécialistes venus du monde entier, et qui fut rendu possible grâce notamment au soutien de la Fondation Perelman créée à l'initiative de son épouse.

Les textes des conférences et des discussions qui ont animé cette importante réunion scientifique ont été rassemblés par le professeur Guy Haarscher dans Justice et argumentation: essais à la mémoire de Chaïm Perelman (1986). Editions de l'Université libre de Bruxelles.

Référence : LEGROS Robert, « Chaïm Perelman », ds. : Nouvelle biographie nationale, t. IV, 1997, p. 291.

Illustrations et photographies