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CARTON PLEIN
CARTON PLEIN est une expérience unique en bibliothèque (bât S.NB, 2LAB), un projet artistique en cours d’appropriation et d’expansion, à portée pédagogique et scientifique, mené par l’artiste Juan d’Oultremont en collaboration avec le service des Archives, Patrimoine et Réserve précieuse de l’ULB.
La note ci-dessous signée Juan d’Oultremont raconte la genèse de ce projet, et le pourquoi du comment il est arrivé à prendre forme dans nos locaux, en bibliothèque universitaire.
" Je collectionne. Ça commence à se savoir. Mon obsession de la collection et ma pratique d’artiste ont fini par fusionner au point de produire une zone tectonique où l’activation de l’une par l’autre produit de l’inclassable.
Parmi mes 200 collections recensées, la plupart sont nées d’une intuition initiale, la rencontre avec un objet, un mot ou une image dont la potentialité appelait la série. D’autres ont fini par s’imposer à moi sans que je les aie vu venir. Presque malgré moi. Ma collection de cartons d’invitation d’expositions est de celles-là. Quand je parlai pour la première fois à ma compagne des quelque 10.000 cartons archivés par boîte de 450 que je conservais dans mon atelier, elle évoqua les premiers cartons qu’elle-même avait reçus et conservés un temps avant de s’en débarrasser faute de leur avoir trouvé si pas une fonction, au moins un statut - un avenir commun. Un rapport momentané à la conservation fréquent chez les gens équilibrés. Ce jour-là, je compris que beaucoup de mes collections étaient le résultat d’un sursaut déraisonnable qui, au moment où tout le monde les aurait abandonnées, me poussait à les continuer. C’est à l’instant où les autres se débarrassaient des cartons d'invitation qu’il me semblait important de passer dans une autre forme d’aventure où la simple compilation prenait la dimension plus irrationnelle, plus spéculative et surtout plus radicale de la collection. Au moment précis où son avenir devenait imprévisible.
Tout ça pour dire que je collectionne essentiellement ce que les autres ne collectionnent pas (ou plus) et que le concept d’archivage a pris chez moi une forme quasi héroïque.
Les 25 caisses de cartons d’invitations dont il est question ici couvrent essentiellement des galeries et des institutions belges spécialisées dans l’art contemporain. A quelques rares exception près, il s’agit de cartons qui m’ont été personnellement adressés. La plus ancienne ? Celle d’une exposition d’Olivier Mosset au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles de 1975.
Au-delà des contours qu’elle dessine quant à ma propre histoire d’artiste et d’amateur d’art, cette collection témoigne de l’activité artistique en Belgique durant cette période, tout en en démultipliant les occurrences. La cartographie qu’elle a produite retrace l’évolution des codes, des graphismes, des tendances. Elle parle des choix de programmation, des affinités électives, des partis pris, des évènements momentanés mais parfois décisifs. Elle parle des artistes, de celles et ceux qu’on a perdu·es de vue et de celles et ceux qui ont résisté au temps. Elle pointe le caractère visionnaire et audacieux de certains acteurs (galeristes, curateurs et curatrices, directeurs et directrices de musées). Elle parle du marché de l’art et rappelle les lieux et les intervenant·es dont la présence bien qu’éphémère, laissa dans les mémoires des traces indélébiles. Elle témoigne de la mobilité des corps et des esprits… Autant de points de vue qui en s’additionnant ont fini par produire une histoire qui tient autant du mille-feuille que du road movie.
Si j’ai l’habitude de recycler mes collections dans des projets artistiques, c’est de toute évidence ma rencontre avec l’équipe des Archives, Patrimoine et Réserve précieuse de l’ULB qui, dans ce cas-ci, a servi de déclencheur. Sans que nous ayons à en préciser la forme, le désir de produire un projet commun s’est très vite imposé comme une évidence.
L’environnement universitaire dans lequel elle évolue, les activités de recherche qu’elle soutient et le principe même de la conservation et de l’archivage dont elle a la charge sont des paramètres qui rejoignent en bien des points mes préoccupations d’artiste.
Voilà donc où nous en sommes. La collection joue à présent en déplacement. L’ULB (Archives, Patrimoine et Réserve précieuse & Bibliothèque des Sciences humaines-Simone Veil) l’accueille pour une session de travail (évènements et recherche confondus) à durée indéterminée. L’objectif est de l’activer simultanément à des fins artistique, pédagogique, scientifique et patrimoniale.
On active - on en parle - on expose.
Cette collection est la vôtre, le temps d'une rencontre, d'un échange, d'un souvenir qu'elle vous évoque, le temps d'une expo et plus encore si affinités."
Juan d’Oultremont - Avril 2024.
La note ci-dessous signée Juan d’Oultremont raconte la genèse de ce projet, et le pourquoi du comment il est arrivé à prendre forme dans nos locaux, en bibliothèque universitaire.
" Je collectionne. Ça commence à se savoir. Mon obsession de la collection et ma pratique d’artiste ont fini par fusionner au point de produire une zone tectonique où l’activation de l’une par l’autre produit de l’inclassable.
Parmi mes 200 collections recensées, la plupart sont nées d’une intuition initiale, la rencontre avec un objet, un mot ou une image dont la potentialité appelait la série. D’autres ont fini par s’imposer à moi sans que je les aie vu venir. Presque malgré moi. Ma collection de cartons d’invitation d’expositions est de celles-là. Quand je parlai pour la première fois à ma compagne des quelque 10.000 cartons archivés par boîte de 450 que je conservais dans mon atelier, elle évoqua les premiers cartons qu’elle-même avait reçus et conservés un temps avant de s’en débarrasser faute de leur avoir trouvé si pas une fonction, au moins un statut - un avenir commun. Un rapport momentané à la conservation fréquent chez les gens équilibrés. Ce jour-là, je compris que beaucoup de mes collections étaient le résultat d’un sursaut déraisonnable qui, au moment où tout le monde les aurait abandonnées, me poussait à les continuer. C’est à l’instant où les autres se débarrassaient des cartons d'invitation qu’il me semblait important de passer dans une autre forme d’aventure où la simple compilation prenait la dimension plus irrationnelle, plus spéculative et surtout plus radicale de la collection. Au moment précis où son avenir devenait imprévisible.
Tout ça pour dire que je collectionne essentiellement ce que les autres ne collectionnent pas (ou plus) et que le concept d’archivage a pris chez moi une forme quasi héroïque.
Les 25 caisses de cartons d’invitations dont il est question ici couvrent essentiellement des galeries et des institutions belges spécialisées dans l’art contemporain. A quelques rares exception près, il s’agit de cartons qui m’ont été personnellement adressés. La plus ancienne ? Celle d’une exposition d’Olivier Mosset au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles de 1975.
Au-delà des contours qu’elle dessine quant à ma propre histoire d’artiste et d’amateur d’art, cette collection témoigne de l’activité artistique en Belgique durant cette période, tout en en démultipliant les occurrences. La cartographie qu’elle a produite retrace l’évolution des codes, des graphismes, des tendances. Elle parle des choix de programmation, des affinités électives, des partis pris, des évènements momentanés mais parfois décisifs. Elle parle des artistes, de celles et ceux qu’on a perdu·es de vue et de celles et ceux qui ont résisté au temps. Elle pointe le caractère visionnaire et audacieux de certains acteurs (galeristes, curateurs et curatrices, directeurs et directrices de musées). Elle parle du marché de l’art et rappelle les lieux et les intervenant·es dont la présence bien qu’éphémère, laissa dans les mémoires des traces indélébiles. Elle témoigne de la mobilité des corps et des esprits… Autant de points de vue qui en s’additionnant ont fini par produire une histoire qui tient autant du mille-feuille que du road movie.
Si j’ai l’habitude de recycler mes collections dans des projets artistiques, c’est de toute évidence ma rencontre avec l’équipe des Archives, Patrimoine et Réserve précieuse de l’ULB qui, dans ce cas-ci, a servi de déclencheur. Sans que nous ayons à en préciser la forme, le désir de produire un projet commun s’est très vite imposé comme une évidence.
L’environnement universitaire dans lequel elle évolue, les activités de recherche qu’elle soutient et le principe même de la conservation et de l’archivage dont elle a la charge sont des paramètres qui rejoignent en bien des points mes préoccupations d’artiste.
Voilà donc où nous en sommes. La collection joue à présent en déplacement. L’ULB (Archives, Patrimoine et Réserve précieuse & Bibliothèque des Sciences humaines-Simone Veil) l’accueille pour une session de travail (évènements et recherche confondus) à durée indéterminée. L’objectif est de l’activer simultanément à des fins artistique, pédagogique, scientifique et patrimoniale.
On active - on en parle - on expose.
Cette collection est la vôtre, le temps d'une rencontre, d'un échange, d'un souvenir qu'elle vous évoque, le temps d'une expo et plus encore si affinités."
Juan d’Oultremont - Avril 2024.