Portrait de Paul Hymans par Isidore Opsomer. Photo : J. Geleyns / Ro scan L'œuvre de Paul Hymans est tombée dans le domaine public en 2011. A l’heure où se déroulent tant de commémorations du centenaire de la Grande Guerre et de ses suites, il nous a paru opportun d’évoquer le rôle majeur joué par Paul Hymans au cours de cette période tragique de notre histoire.

L’exposition que l’Université libre de Bruxelles a décidé de consacrer à celui qui fut son président de 1934 à 1940, retrace le parcours, la pensée et l’action de ce grand homme d’Etat.

Né il y a 150 ans, le 23 mars 1865, dans une famille d’intellectuels bruxellois de confession protestante, Paul Hymans s’affirme rapidement comme une figure marquante du mouvement libéral de gauche. Docteur en droit de l’ULB et avocat au barreau de Bruxelles à 20 ans, il se préoccupe très tôt du sort des plus défavorisés. « Son désintéressement né l’a séparé du monde de l’argent pour lequel il eut des mots d’une sévérité biblique. » (Paul Hymans, Sa vie, sa Pensée, son Action », Robert Fenaux, Centenaire de Paul Hymans, Bruxelles, 1965.)

S’il fallait résumer en quelques mots la vie et les combats de Paul Hymans, ce serait : « Liberté, Egalité, Solidarité » ou « Liberté, Education, Progrès Social ».

Déjà en 1890, il se préoccupait d’une meilleure protection juridique de l’enfance, considérant « qu’il y a là une lacune qu’une législation ambitieuse de progrès social se doit de faire disparaître. » 
 
Deux ans plus tard, il dénonçait le fait que « les prisons remplies sont insuffisantes », qu’il faut éviter la récidive pénitentiaire, et « qu’il ne suffit pas de punir le criminel. Il faut prévenir le crime. »

Dans le programme général des gauches libérales rédigé en décembre 1900, Paul Hymans écrivait : « l’amélioration morale et matérielle du sort des travailleurs a toujours été un des buts essentiels de la politique libérale et doit être aujourd’hui, plus que jamais, l’objet de ses efforts. »

En 1901, il écrivait encore : « La classe la plus nombreuse et la plus pauvre est la plus digne d’intérêt » et « L’idée de solidarité planera sur le siècle. Qui ne la comprendra ou prétendra se soustraire à son empire, sera destitué. » (La Belgique au XXe siècle, Portraits, Essais et Discours, 7 février 1901.)

En 1912, il y a plus de cent ans, il reprend son credo : « J’entends par démocratie l’étude objective et la solution pratique des questions qui touchent directement les plus pauvres, l’instruction, l’éducation professionnelle, le travail, le logement, l’hygiène, le crédit, les risques du chômage, de la maladie, de la vieillesse. J’entends par démocratie un régime d’égalité politique et de solidarité sociale, de dévouement et de concorde. »

Le 23 mars 1940, à l’occasion des 75 ans de Paul Hymans, Jules Bordet écrivait : « Rendre hommage à Paul Hymans, c’est glorifier l’idéal qui l’a guidé et qu’il poursuit encore de son énergie toujours jeune. Sa carrière est un hymne à la liberté ». (Préface du livre de Paul Hymans « Fragments d’Histoire, Impressions et Souvenirs », Editions de la Connaissance, 1940.)

Paul Hymans fut un inlassable défenseur de la liberté de pensée, d’expression et de religion dans la sphère privée. 
 
Militant de la liberté, il était naturellement contre la guerre et pour la résolution des conflits entre nations par l’arbitrage et la négociation. Présidant la première Assemblée de la Société des Nations, il déclara : « One idea has dominated this Assembly : the necessity of ridding the World of that greatest and most terrible of all scourges : War ».

Mais Paul Hymans, contrairement à beaucoup d’hommes politiques de son temps, n’était pas en faveur des mouvements pacifistes, ni avant la Grande Guerre, ni entre les deux guerres. L’Histoire lui a chaque fois donné raison. Comme le visiteur pourra le constater tout au long de cette exposition et de la lecture de cet ouvrage, la pensée de Paul Hymans est souvent d’une étonnante actualité. Totalement engagé dans le mouvement libéral, il a toujours placé au-dessus des considérations partisanes, ce qu’il considérait comme l’intérêt supérieur de son pays et l’intérêt général de ses concitoyens. Il leur a consacré sa vie, de bout en bout, avec lucidité, courage et dévouement.

La pensée fertile et l’action de ce grand humaniste, replacées dans le contexte de son époque, restent un sujet d’étude et d’inspiration.

Paul Hymans est mort en exil à Nice en mars 1941 après avoir vu s’écrouler la Société des Nations, le respect des droits de l’homme, la liberté et la souveraineté nationale.
« Ses dernières pensées furent pour son pays. Son dernier cri, un appel pressant au rassemblement national. » (Robert Fenaux, Paul Hymans.Un Homme, un Temps, février 1946.)
 
Pierre Goldschmidt

Préface du catalogue "Devriese, D. (2015). Paul Hymans : une vie de combats pour la liberté, l'éducation et le progrès social: catalogue de l'exposition 2015. Bruxelles: Centre Jean Gol."

Photo : Portrait de Paul Hymans par Isidore Opsomer © Musées royaux des Beaux Arts de Belgique, Bruxelles - J. Geleyns / Ro scan