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Partenariat institutionnel G3
- Porteurs.euses du projet
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Université de Montréal (UdeM) :
Maryna Beaulieu, directrice de la bibliothèque des lettres et sciences humaines de l'UdeM
Université libre de Bruxelles (ULB) :
Renaud Bardez, directeur de la bibliothèque des sciences humaines-Simone Veil et responsable des Archives, Patrimoine et Réserve précieuse de l'ULB
Université de Genève (UNIGE) :
Camille Yassine, bibliothécaire spécialiste en sciences des sexualités de l'UNIGE
Joëlle Muster, responsable du site Uni Mail de la bibliothèque de l'UNIGE
Ferdinando Miranda, directeur exécutif du Centre Maurice Chalumeau en sciences des sexualités - La genèse du projet
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Ces trois universités partenaires reconnaissent les sciences des sexualités en bibliothèque universitaire comme un enjeu d'avenir, tant pour celles qui possèdent déjà des collections en la matière et du personnel dédié à ses questions, que pour celles qui s'interrogent sur leur rôle. En outre, elles constatent une demande croissante de la part des usagers et des usagères des bibliothèques universitaires qui souhaitent avoir accès à des ressources documentaires pour des projets de recherche, des publications, des thèses de doctorat et des mémoires de maîtrise sur des thématiques liées aux sexualités, tous domaines confondus.
Plus particulièrement, ce projet G3 de la francophonie peut contribuer au développement du champ émergent des sciences des sexualités au sein de certaines universités francophones alors que des académies anglophones disposent déjà d'importantes et historiques collections en la matière, tels que le Kinsey Institute à l'Indiana University. - Les enjeux du projet
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Dans le cadre de ce projet, nous considérons les "sciences des sexualités" en tant que champ interdisciplinaire qui vise à comprendre la sphère du sexuel en ayant recours à de multiples domaines, méthodologies et approches. Des mutations importantes et rapides ont lieu, qui concernent autant les pratiques sexuelles et procréatives que la manière dont sont repensées les identités sexuelles, entraînant dans ce mouvement des questionnements d'ordre éthique, juridique et politique. Dans ce cadre, des nombreuses problématiques liées à des formes de censure, historiquement inhérentes à tout ce qui touche au sexuel, peuvent persister au sein de nos collections et nourrissent notre réflexion sur les potentielles limites que peut rencontrer la liberté académique en bibliothèque universitaire. Champ en devenir, les sciences des sexualités se déploient aujourd'hui sur les plans scientifiques, culturels et sociaux, et exigent une approche holistique. La diversité et la multiplicité de ce champ échappent à des formes de catégorisation, viennent bousculer les pratiques bibliothéconomiques préexistantes et appellent à des mutations des usages en bibliothèque. Les questionnements suscités dernièrement par la création de centres d'archives liés aux expressions non-hétérosexuelles de la sexualité (archives associatives et collections privées) au sein des institutions publiques bruxelloise, montréalaise et genevoise l'attestent.
- ULB - Collection "Robert Van Bel"
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En 2000, l'Université libre de Bruxelles acquiert la bibliothèque éclectique, exotique et "olé-olé" de Robert Van Bel, bibliophile spécialisé dans la catégorie des Curiosa. Bibliothécaire de la Bibliothèque royale Albert 1e, entre les années 1970 et 2000, il cultive un penchant des sujets en marge des grands centres d'intérêt traditionnels du monde des bibliothèques. À son décès, l'ULB récupère approximativement 207 cartons de déménagement qui sont transférés vers la Réserve précieuse de l'Université. Cette collection se compose d'une part imposante de périodiques, littérature grise, bandes dessinées, roman-photo dédiés au sadomasochisme, au fétichisme et autres études "relatives aux diverses 'perversions' sexuelles", pour reprendre les propos de son collectionneur. Cette collection d'une quarantaine de mètres linéaires brasse de la littérature tant européenne qu'américaine et constitue un ensemble unique en son genre.
Indubitablement, durant près de deux décennies, le Département des bibliothèques et de l'information scientifique de l'Université libre de Bruxelles a volontairement ou involontairement ignoré l'existence de ce fonds dans ses murs. Une certitude néanmoins, celle de son utilisation sommaire qui a pu servir le projet Pas ce soir chéri(e) ? Une histoire de la sexualité XIXe-XXe siècles, dirigé par Valérie Piette. - UNIGE - Collection "Michel Froidevaux"
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En juin 2021, la Fondation F.I.N.A.L.E. (Fondation Internationale des Arts et Littératures Érotiques) a fait don à l'Université de Genève (Bibliothèque - Centre Maurice Chalumeau en sciences des sexualités -CMCSS) d'une collection documentaire remarquable qui rassemble les innombrables livres et périodiques liés aux sexualités que Michel Froidevaux, fondateur de F.I.N.A.L.E., a regroupés sa vie durant. Cette collection doit sa valeur scientifique à l'ensemble unique qu'elle constitue, à la fois hétérogène et d'une cohérence thématique affirmée, signe de l'infatigable labeur et du bonheur sans cesse renouvelé d'un collectionneur aussi passionné qu'éclairé, dont le profil bien peu conformiste aura marqué son époque.
La collection "Michel Froidevaux" constitue, à ce jour, la ressource documentaire la plus quantitativement importante liée au CMCSS. Recensant approximativement 50 000 documents sur support papier, elle se compose d'imprimés de natures et de sujets très divers, de toutes les époques et dans toutes les langues. Michel Froidevaux a collectionné tout ce qui, à ses yeux, pouvait évoquer les infinies connaissances, expressions et fantaisies de la sexualité humaine, sans volonté de les hiérarchiser, ni de les classer. "L'éros et la liberté sont consubstantiels", affirmait-il. Une approche imprégnée de liberté et d'anarchie qui permet notamment aux collections complètes de Playboy de côtoyer des traités médicaux du XIXe siècle, aux rapports Kinsey ou Hite (premières grandes études médicales sur les sexualités) de partager les rayons avec des "classiques" de la littérature licencieuse et libertine, des romans de gare érotiques, des bandes-dessinées, des livres de cuisine, des albums de photographies, des dictionnaires, des anthologies de poésie ou de nouvelles, les premières revues gays et des revues pornos, allant du XVIIIe siècle à nos jours. Le tout en plusieurs langues, formats et rééditions. - Université de Montréal : Collection - Catégorie Curiosa
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La Bibliothèque des livres rares et collections spéciales accueille en 2022 une collection de "curiosa", terme qui, en bibliophilie, désigne des livres illustrés mêlant érotisme et sexualité. Formée d'une centaine d'imprimés le plus souvent à tirage limité et numérotés, cette collection témoigne de l'art de l'illustration érotique, surtout entre 1930 et 1960. Rééditions de grandes œuvres de la littérature occidentale ou créations contemporaines, les divers ouvrages sont émaillés de planches signées des illustrateurs ayant marqué l'époque, on pense notamment à Amandine Doré, Berthommé Saint-André, Paul-Émile Bécat, Schem ou Suzanne Ballivet.
- Les questionnements soulevés par le projet
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Le projet : "Penser la place des sciences des sexualités au sein d'une bibliothèque universitaire : Entre la recherche en sciences des sexualités et les enjeux bibliothéconomiques au sein des universités de Bruxelles, Montréal et Genève" consiste en la formation d'un groupe d'échanges et de réflexions autour des collections et des services de soutien liés aux sexualités au sein des bibliothèques de ces trois universités partenaires. Il entend contribuer à l'émergence et au développement des sciences des sexualités, en se penchant plus particulièrement sur les enjeux bibliothéconomiques des collections, de leur mise en valeur et du soutien à apporter à ce domaine du savoir en émergence.
Les différentes réalités et pratiques des bibliothèques ainsi que le lien tissé avec les recherches en cours au sein de chaque université font émerger d'autres questionnements qui étayeront nos réflexions et fourniront des exemples concrets : Quelle place accorder à des fonds privés au sein de bibliothèques universitaires ? Comment rationnaliser les pratiques pour les collections courantes préexistantes mais dispersées, par la transdisciplinarité du domaine, dans différents ensembles documentaires ? Quel est le rapport des équipes à cette littérature ? Quelle place l'auto-censure joue dans la mise à disposition et la médiation de ces collections ? De quelles manières la liberté académique peut-elle être parfois ébranlée en rapport avec l'arrivée de ces collections ? Qui pourraient être les acteurs d'une éventuelle censure ? Comment pourrait-elle être évitée ? Quelles sont ou peuvent être les pratiques d'acquisitions et de don, d'inscription au catalogue, de numérisation pour conservation ou diffusion, des expositions ? Quelles règles standardiser pour le traitement des collections pornographiques (dont sadomasochistes et fétichistes) dans les Bibliothèques universitaires ? Qu'en est-il de l'adéquation des vocabulaires utilisés pour décrire ces documents, et donc des clés d'accès pour les repérer dans les outils et moteurs de recherche, étant donné l'évolution rapide de la terminologie pour ces questions ? Qu'en est-il du processus qui mène à la diffusion et la mise en valeur de ces collections ? - Trois séances thématiques publiques
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Les séances thématiques, articulées autour des cas d'étude de chaque université, correspondent à des présentations de scientifiques et bibliothécaires suivies d'un dialogue autour du thème proposé. Les différentes interventions permettront de poser un cadre à la discussion qui va suivre entre les différent.e.s participant.e.s des trois universités partenaires ainsi que le public présent à ces séances thématiques. L'ensemble de ces questionnements et des réponses qui y seront apportées se trouveront réunies dans des fiches de synthèse ainsi que dans le vademecum, publié à la fin du projet, au printemps 2024.
La première de ces séances, intitulée "Le sexuel : enjeu d'actualité en bibliothèque" s'est déroulée à Genève, le 9 février 2023.